L'architecture du musée

Le plus ancien et le plus important des musées tunisiens  a été aménagé, voilà plus d’un siècle  dans l’enceinte d’un célèbre palais beylical ; ce dernier,  édifié à partir du XVe s., dans une grande plaine à environ 4 kilomètres de Tunis, emprunte son nom au mot espagnol prado qui signifie pré, ou jardin. Bénéficiant de nombreuses restaurations et extensions sous les règnes des souverains de la dynastie mouradite, puis husseïnite qui en firent leur résidence principale, le Grand Palais construit dans la deuxième moitié du XIXe s. par des architectes tunisiens est, selon M. Yacoub, ancien conservateur du musée du Bardo, "un monument fort représentatif du luxe et du raffinement qu’a connus l’architecture tunisienne durant l’époque beylicale… (avec) les apports locaux se mêlant aux influences andalouses, asiatiques et européennes."

A partir de 1882, au moment où la cour s’installait au Palais de la Marsa, les bâtiments du harem sont cédés aux autorités du Protectorat français pour y abriter les premières collections antiques. A partir de 1899 on y ajoute les locaux du Grand Palais, puis le très bel espace dit du Petit Palais pour y abriter les collections d’art islamique.

Dans les espaces nobles de ce complexe palatial, émerge une harmonie des formes et des couleurs. On y admire les plafonds ouvragés en stuc, ou travaillés à la feuille d’or, les revêtements muraux en céramique vernissée sortis des ateliers tunisois, les placages de marbre, les élégantes colonnades et les bois peints et ouvragés. Aménagées sur trois étages, les différentes salles de réceptions allient dans un savant mariage les architectures et les techniques artistiques, maghrébine, turque et italianisante, constituant ainsi une sorte de synthèse de l’art architectural de la Tunisie des XVIIIe et XIXe s.

Certes, la transformation de ce palais en musée a agi comme une sorte d’outil de conservation garantissant la survie du bâtiment, en lui donnant ainsi une seconde vie. Partiellement réaménagé à plusieurs reprises pour s’adapter à l’agrandissement des collections et à l’accroissement du flux des visiteurs, il fait maintenant l’objet d’un vaste plan de restructuration.

Bénéficiant d’un prêt de trente millions de dinars de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), la rénovation du Bardo a démarré au printemps 2009 dans le cadre d’une stratégie nationale pour le développement culturel en général, et pour le tourisme culturel en particulier. C’est à l’arrière du musée historique existant et lui-même réhabilité, qu’est édifiée une nouvelle aile de conception architecturale contemporaine. Le projet a permis ainsi de doubler la surface muséale existante ; en effet, le nombre de pièces exposées devrait doubler, pour atteindre les 8000 pièces.

Cette nouvelle aile est précédée d’un important hall d’entrée conduisant aux différents départements et services qui bénéficieront d’un nouvel éclairage grâce à la présence de grandes verrières. Les six départements nouveaux dédiés à la préhistoire, à la civilisation phénico- punique, au monde numide, à la collection sous-marine de Mahdia, au monde romain et à l’antiquité tardive, et enfin à l’Islam, sont repensés, revisités, reprogrammés selon une muséographie nouvelle et une signalétique répondant aux normes modernes. Grâce à un parcours mieux adapté et plus logique, cette nouvelle organisation spatiale permettra, tout en conservant l’harmonie et la richesse du lieu, de mieux en saisir l’architecture et le déploiement.

Ce réaménagement  devra en outre porter sur la capacité d’accueil  à un million de visiteurs par an (contre 600 000 avant les travaux). Parallèlement sont créées des aires de services qui répondront aux besoins des visiteurs  (boutiques, cafétérias, restaurants, auditorium, ateliers divers, équipements pour personnes handicapées…), ainsi que des espaces d’interprétations et de multimedia.

Avec la rénovation de ses réserves, de ses services, avec ses nouveaux espaces d’interprétation insérés dans un parcours permettant une meilleure lecture du patrimoine national, tant sur le plan chronologique que thématique, le Bardo accède au rang des musées modernes, de stature internationale, répondant aux besoins d’un public nouveau, mieux informé et plus exigeant, qui sera plus à même d’apprécier la singularité des œuvres dont certaines restent uniques dans l’histoire de l’humanité.