Mot du conservateur en chef

Les collections muséographiques du musée national du Bardo, sans cesse enrichies par  les acquisitions et les dons, ont été installées dans les salles d’apparat d’  El Qasr EL Badii, depuis la fin du XIXe s.  Ce palais  harem construit par le bey M’hammed entre 1859 et 1864,  est un chef d’œuvre de l’architecture husseinite où se côtoient les traditions andalou mauresques et les  apports italianisants, reconnaissables dans le plan des salles et  dans la décoration  des espaces nobles en stuc, en  panneaux de Qallaline et en bois peint à décors animé et végétal.

En 1913,  le "Petit Palais" tunisien, datant de 1833, remarquable par son patio de style andalou mauresque et par sa salle d’apparat en T, a été réhabilité et  intégré au musée pour accueillir des collections ethnographiques. La reconversion de ce complexe palatial en un musée des antiquités nationales, annoncé par le décret du 25 Mars 1885, est l’aboutissement de la politique de patrimonialisation des biens culturels entamée dès 1876 par le premier ministre tunisien Kheireddine Pacha, qui  mit fin aux activités des collectionneurs en réglementant la collecte des objets archéologiques, et en  ordonnant la saisie de la collections particulière de M’hammed  Khaznadar, acquise frauduleusement.

Depuis son inauguration en 1888, le musée national du Bardo, l’ancien musée Alaoui au temps du Protectorat français, est un lieu de visite incontournable pour le large public des sites culturels tunisiens, grâce à la richesse et à la diversité de ces collections.
Les travaux de rénovation et d’extension commencés au Printemps 2009 ont d’ores et déjà permis de hisser Le Bardo au rang d’un musée de stature internationale,  grâce aux nouvelles expositions permanentes, riches et diversifiées. Cette rénovation s’appuie sur l’architecture moderne des nouveaux espaces, parfaitement intégrés au musée palais historique, et sur  un ambitieux programme muséographique. Les circuits de visite, indiqués par une signalétique appropriée, obéissent à des critères chronologiques et thématiques, régis une scénographie moderne adaptée au goût des publics. L’éclairage qu’il soit naturel ou artificiel, répond aux normes internationales, pour servir d’atout à la lisibilité des objets, de jour comme de nuit.

La nouvelle présentation se veut être un témoignage de l’identité culturelle de la Tunisie à travers les six départements nouveaux  qui sont dédiés à la Préhistoire, à la civilisation phénico punique, au monde numide, à la collection sous-marine de Mahdia, à l’Antiquité tardive et à la civilisation de  l'Islam depuis quinze siècles.

La galerie du deuxième étage, dite galerie de Carthage, est consacrée aux arts du feu datant de l’époque romaine (verre, céramique et bronze). Le chœur du harem (l’ancienne salle de Virgile) est le lieu d’exposition des trésors monétaires et des œuvres exceptionnelles, comme la cuirasse campanienne dite d’Hannibal. Le musée historique, l’ancien palais du harem de M’hamed Bey, conservera presque en totalité sa célèbre collection de mosaïques et celle des sculptures d'époque romaine concentrée dans la salle de Carthage. Le "Petit Palais", réhabilité, servira de halte aux visiteurs qui pourront admirer son cachet architectural traditionnel et sa décoration élaborée par des maîtres artisans locaux. La mosaïque de Virgile et la collection de sculptures de Bulla Regia, sont  logées dans de nouveaux espaces pour une meilleure visibilité. Les espaces d’interprétation, insérés dans le parcours, sont des lieux de présentation didactique du patrimoine national et de mise  en évidence de son parcours historique.

Lieu du champ vaste du savoir et de la connaissance  des civilisations réhabilitées et présentées au public, le Bardo et ses collections,  témoignent de  l’apport de la  Tunisie et de son peuple  à l’Histoire du monde.

Taher  Ghalia
Ancien conservateur en chef du musée national du Bardo

Décembre 2011